Des amants parents…

Dans l’histoire d’un couple, l’arrivée d’un enfant est un moment particulier, et spécialement pour le tout premier. La petite bulle confortable où vous n’étiez que deux et que vous aviez mis du temps et du cœur à construire accueille maintenant une troisième personne. Et vous avez beau le vouloir très fort et vous être préparés, ça change la donne. Parmi ces préparatifs, le sexe est souvent un grand oublié. Pas celui du bébé, mais celui qui vous rapprochait tous les deux avant que vous ne deveniez parents… Pourtant, attendre et avoir un enfant bouleverse la vie entière du couple, y compris sa sexualité et ce avant, pendant et après la naissance de l’enfant.

Par exemple, seule une minorité continue à avoir des rapports sexuels pendant toute la grossesse. Pour la majorité des couples, les possibilités et le désir sont très variables et pas toujours synchrones entre les partenaires : une femme peut être épanouie et en demande tandis que son partenaire ne parvient plus à la désirer car elle est désormais « la mère de son enfant », un couple peut arrêter toute relation sexuelle par crainte de faire mal au bébé, etc. On peut penser que ces aléas ne sont que passagers et que tout « redeviendra comme avant » une fois l’enfant né. C’est effectivement tout à fait possible : en moyenne, les couples reprennent une activité sexuelle dans les 3 mois qui suivent l’accouchement. Mais dans de nombreux cas retrouver désir et plaisir sexuels s’avère compliqué.

Car leur évolution, tant lors de la grossesse qu’après l’accouchement, dépend de plusieurs facteurs physiques et psychologiques, et le retour à la sexualité est donc différent pour chaque couple voire pour chaque personne. La mère doit par exemple se réapproprier son corps de femme, et ne se sent souvent pas désirable. Le sexe peut également ne plus l’intéresser autant qu’avant par peur de la douleur, ou parce qu’elle se sent pleinement comblée par son rôle de mère. De son côté, l’homme éprouve fréquemment le sentiment d’être délaissé, sa partenaire se consacrant toute entière à la satisfaction des besoins du bébé. Il peut aussi ne plus avoir autant de désir pour elle car il la perçoit davantage comme une mère que comme une femme. On peut ajouter encore la fatigue, les hormones, le stress des nouvelles responsabilités de parents, …

L’arrivée d’un enfant implique ainsi beaucoup de remaniements psychiques et organisationnels. Le couple parental a un million de choses à penser et une nouvelle identité à intégrer, et s’installe peu à peu dans une certaine routine qui finit par étouffer la vie intime du couple conjugal.

… Aux parents amants

Même si l’enfant reste évidemment la préoccupation centrale du couple, pour se retrouver les partenaires ont besoin de recréer un espace d’intimité rien qu’à eux. Cela peut prendre du temps, mais il est essentiel de ne pas se forcer « pour faire plaisir ». Au contraire, la communication sera votre meilleure alliée pendant cette période de transition.

Peut vous aider tout ce qui favorise la proximité et la complicité. A commencer par le maintien d’une vie intime, même minime. Cela peut passer par des positions sexuelles différentes, voire même des jeux qui n’impliquent pas de pénétration (massages, discussions érotiques, bains à deux, …). Et si le désir sexuel n’est plus là, le corps, lui, est toujours réactif, et peut encore apprécier des caresses non sexuelles empreintes de tendresse. De même, l’intimité personnelle peut continuer à s’entretenir pendant cette période (masturbation, fantasmes, …).

Cela peut aussi être de vous retrouver tous les deux chaque semaine, même de brefs instants, et de discuter d’autre chose que de votre nouvelle vie de famille : ré-expérimentez ce qui vous plaît l’un chez l’autre et valorisez-le, redécouvrez-vous en tant qu’individus.

Bien sûr, tous ces changements dans la sexualité du couple ne sont pas une fatalité : nombreux sont ceux qui s’en satisfont. Mais s’il y a souffrance, il ne faut pas hésiter à en parler, des solutions existent. La société, mais aussi bien souvent l’entourage, alimentent une certaine pression qui pèse sur les jeunes parents et les poussent à taire leurs difficultés et inquiétudes, et à culpabiliser de « ne pas faire comme il faut ». L’important est de suivre vos propres envies tout en respectant votre partenaire et de voir dans ces changements une occasion de réinventer votre sexualité.

Priscilla Coutin pour Sexologika