Le Sexe, des Hommes et des Dieux.

Par Pierre SIMON, psychothérapeute, spécialisé en psychosexologie et en psychologie de la religion.

– Introduction :

  • Tout part d’un triste constat
  • Qu’est-ce que la sexualité ? Qu’est-ce que la religion ? Quelle relation entre les deux ?
  • Comment la religion influence-t’elle notre sexualité ?

– Sexualité et religion animiste

– Sexualité et religion orientale

  • En résumé

– Sexualité et religion occidentale

– L’« héritage » d’Augustin

– Deux points-de-vue radicalement opposés

– Les conséquences

– Sexualité, Christianisme dominant et Christianisme marginal

– Conclusions

– Bibliographie

Introduction :

Tout part d’un triste constat :

Beaucoup de personnes sont venus me voir en me confiant une souffrance associée à une répression plus ou moins brutale de leur sexualité dans leur enfance.

Si bien sûr, cette répression brutale de la sexualité ne s’observe (presque) plus actuellement, nous sommes encore loin d’une sexualité libre et épanouie…

Ici, je ne parle pas tellement des comportements sexuels[1] car il est plus ou moins facile aujourd’hui (grâce à internet) de se livrer sans trop de culpabilisation aux comportements sexuels les plus variés.

Je pars plutôt de plusieurs constats :

  1. Encore aujourd’hui, en 2020, il est toujours difficile à des parents de parler sereinement de sexualité à leurs enfants et même à l’intérieur de leur couple. C’est du moins ce que j’ai observé dans mon cabinet de consultation où il est vrai que les personnes que j’ai reçues ne sont peut-être pas représentatives de l’ensemble de la population, mais j’ai été particulièrement interpellé par le fait que les doigts de mes deux mains suffisent largement à comptabiliser les personnes qui m’ont témoigné avoir eu avec leurs parents un dialogue sur la sexualité qui dépassait les problèmes de contraception ou de maladies sexuellement transmissibles (quand il y avait eu dialogue !) ;
  2. Dans « Le Point » du 9 août 2002, Philippe Brenot, psychiatre et sexologue, faisait écrire : « Sur dix couples pris au hasard, trois seulement connaissent une sexualité satisfaisante, pour trois autres l’un des partenaires au moins est frustré et enfin trois ne font plus ou quasiment plus l’amour » (Malye et al., 2002, p. 37) ;
  3. Le « Courrier international » n° 1476 de février 2019 fait part quant à lui d’une enquête qui constate une baisse importante de l’activité sexuelle à deux chez les jeunes (Julian, 2019) ;
  4. Enfin, les recherches récentes montrent que 25% des femmes souffrent d’anorgasmie vaginale et ce chiffre monte jusqu’à plus de 40% pour certains chercheurs (Adam, 2015).

Ces chiffres sont particulièrement étonnants dans une société qui se vante d’avoir atteint le plus haut niveau de libération de la sexualité et de la femme !

Même si les hommes semblent moins atteints par les troubles de l’orgasme (Adam, 2015, avance le chiffre de 14%[2]), il n’est pas sûr qu’ils soient mieux lotis sur le plan sexuel. En effet, au début du 20e siècle, Reich (1952, 1972) a eu l’idée de compléter une enquête sociologique sur la sexualité (où il s’agit juste de répondre à un questionnaire préétabli) par des entretiens cliniques (c’est-à-dire des entretiens individuels personnalisés) : il s’aperçoit alors que le plaisir corporel ressenti par les hommes au moment de l’éjaculation est relativement faible et que le plaisir masculin est surtout lié à la satisfaction d’avoir possédé une femme.

Il est par ailleurs très courant d’entendre que ces problèmes sexuels sont intrinsèquement liés aux fondements même de notre civilisation dite « judéo-chrétienne »…

Cette dernière idée, je l’ai maintes fois entendue de la part de clients, des nombreux acteurs dans le domaine de la santé que j’ai eu l’occasion de former sur le thème de la sexualité et même de la part de mes collègues sexothérapeutes.

Pourtant, en approfondissant cette question, je ne suis pas du tout arrivé à cette même conclusion…

Il m’est alors venu l’idée de partager avec vous quelques-unes de mes réflexions à propos des rapports complexes qu’entretiennent religion et sexualité.


[1] J’entends ici par « comportement sexuel » des comportements qui se limitent à la génitalité, sans prendre en compte les aspects socio-affectifs de la sexualité. Dans le reste de mon article, je prends le mot « sexualité » dans un sens plus large. [2] Ce qui est déjà considérable !

Qu’est-ce que la sexualité ? Qu’est-ce que la religion ? Quelle relation entre les deux ?

Nous proposons à partir de ce chapitre une définition élargie de la sexualité incluant évidemment la dimension corporelle (génitale) de l’acte sexuel mais aussi sa dimension affective et sociale.

Quant à la religion, nous apprécions la définition qu’en donne le psychanalyste jungien Pierre Daco (1978) :

« Je prends donc l’étymologie suivante : dans le mot « religion » se trouve l’idée d’un « lien » : lien qui relie un homme à lui-même, un homme aux autres hommes, un homme à Dieu. » (Daco, 1978, p. 212).

Et en effet étymologiquement, la religion renverrait à l’idée de construire des ponts, de relier deux rives initialement séparées. Dans une perspective jungienne, le but de la religion est d’harmoniser des contraires, à commencer par les différents niveaux de notre personne (pensée, émotions, imagination, corps,…).

Cette définition me convient bien parce qu’il s’agit justement ici de « relier » deux êtres humains autonomes et différents, à savoir l’homme et la femme.

« Relier » concrètement pourrait supposer créer les conditions d’une relation homme-femme (y compris dans sa dimension sexuelle) la plus heureuse possible, prévenant au mieux les conflits et apportant les outils permettant de gérer les conflits lorsqu’ils se présentent…

Nous ne concevons pas seulement la religion comme une tentative d’expliquer le monde, il s’agit aussi d’un système de pensées et de pratiques qui primitivement visait la santé humaine dans toutes ses dimensions. Anciennement en effet, les « sorciers » et les « prêtres » étaient aussi des médecins ; il était attendu d’eux la guérison autant physique que psychologique et y compris sexuelle. Les célèbres « sorcières » semblent s’être données parmi l’ensemble de leurs missions, celle d’aider à l’épanouissement sexuel, en provoquant l’amour (mais elles étaient également accusées de provoquer la haine), l’affection et le retour d’affection (Bechtel, 1997).

Comment la religion influence-t’elle notre sexualité ?

A partir de la définition que nous venons de donner de la religion, il devient difficile de concevoir une religion qui se réduirait à énoncer verbalement ou par écrit des interdits, des permissions et/ou des obligations en matière de sexualité.

Il apparaît à travers les recherches récentes en neurologie (Damasio, 2003) ainsi que sur les thérapies basées sur la « Pleine Conscience » (Bowen et al., 2013 ; Segal et al., 2006 ; Gilbert&Choden, 2015) que :

  1. Nos pensées et nos comportements sont principalement déterminés par nos émotions ;
  2. De ce fait, la sexothérapie se donnera comme but d’agir au niveau de nos émotions ;
  3. Or le moyen le plus accessible et le plus efficace d’influencer nos émotions est notre imagination (se dire « je mange un citron » n’a pas le même effet physiologique que de s’imaginer manger un citron avec grande concentration, ce qui peut provoquer une réaction corporelle de salivation) ;
  4. De ce fait, des résultats thérapeutiques peuvent être plus facilement obtenus en faisant appel à notre imagination à travers l’utilisation de métaphores, ce que faisaient médecins antiques et autres sorciers.

Or, depuis la nuit des temps, les humains se sont construits des métaphores sous la forme de mythes qui se sont intégrés à ce qui a été appelé par la suite « religion ».

Notre culture rejette habituellement les mythes parce que leur correspondance avec la réalité peut sérieusement être mise en doute mais ici, nous ne nous attachons pas à cette correspondance mais, comme le faisaient les Anciens, nous évaluons la valeur des mythes par l’influence qu’ils peuvent avoir sur les comportements humains en général et en particulier, sur notre sexualité.

James[1] (2001), qui peut être considéré comme le précurseur de la « Psychologie de la Religion », disait qu’il est possible d’étudier scientifiquement les « fruits » d’une religion mais pas sa « source ».

C’est ainsi que nous allons relater quelques exemples de grands mythes de l’Humanité et tenter ensuite d’apprécier quelle influence ils ont eu sur notre sexualité.


[1] Chercheur en psychologie à la prestigieuse université de Harvard au début du 20ème siècle.

Sexualité et religion animiste :

Comment connaître les premières relations qu’ont entretenues les religions avec la sexualité ?

Peut-être l’étude des peuples que l’on appelait « primitifs » peut-elle nous éclairer sur cette question.

Tout d’abord, ces peuples font plus appel à l’imagination qu’à la raison[1] pour comprendre le monde dans lequel ils vivent et y vivre de la manière la plus heureuse possible. Les mythes (élaborés sous forme de « rêves » par les Aborigènes d’Australie, à titre d’exemple) ont donc une place privilégiée dans la vie de ces peuplades (Glowczewski, 1989).

La raison n’est pas non plus utilisée pour convaincre les êtres humains de la véracité des mythes et de la nécessité de s’y conformer. Les êtres humains y adhèrent assez facilement à partir d’« expériences » vécues lors de leur participation à des rites initiatiques.

Ces « rites » se basent sur des pratiques (comme la danse, la musique et d’autres formes d’art) où l’on s’efforce de provoquer des états de « transe » (appelé plus couramment en Occident « état d’hypnose »). La caractéristique de ces « états de transe » est de mettre un temps de côté notre « raison » pour laisser surgir de l’intérieur de notre « inconscient » des émotions intenses, des images, des scénarios oniriques, des idées, etc…

L’état de transe ou état d’hypnose nous rend par ailleurs plus réceptifs aux messages métaphoriques que nous pouvons entendre (sous forme de chants, par exemple) et ces derniers vont alors avoir une influence plus déterminante sur nos pensées et comportements[2] que si nous étions restés en état de veille vigilante.

Les pratiques sexuelles sont elles-mêmes considérées comme un moyen de provoquer ces états de transe, mettant la raison de côté. Et en effet, dans les cultures encore appelées « primitives », la sexualité est souvent intégrée aux rites religieux et est estimée comme pouvant contribuer à ce que nous pourrions appeler le « développement spirituel ».

Ainsi, les Aborigènes d’Australie, par exemple, véhiculent à travers leurs mythes une conception de la Nature Humaine comme étant le centre de rencontre de deux forces cosmiques maralypi, pouvoir masculin, et mangaya, pouvoir féminin (Glowczewski, 1989). La sexualité est vécue alors comme une « étreinte cosmique » (Glowczewski, 1989, p. 195).


[1] Nous aurions tort de tourner une telle idée en ridicule : la publicité ne fait-elle pas vendre du tabac en quantité déraisonnable en diffusant (à travers le cinéma, la musique, les courses de voitures, les photos, etc…) dans la population le mythe selon lequel fumer rend viril alors que raisonnablement (et c’est scientifiquement démontré) le tabac augmente le risque d’impuissance chez l’homme. Si la raison était plus forte que l’imagination sur le comportement humain, non seulement cette publicité n’aurait aucune influence mais tout le monde arrêterait de fumer sauf peut-être quelques rares personnes qui ont le souhait de mourir du cancer ! [2] Cette façon d’influencer les Humains n’a rien de « sorcier » et est utilisée aujourd’hui avec brio par la publicité mais aussi, dans des buts qui se voudraient plus nobles, par l’hypnothérapie ou l’hypnoanalgésie.

Sexualité et religion orientale :

Comme dans la religion animiste, on retrouve dans la plupart des religions orientales le dualisme de la Nature Humaine, régie par deux forces cosmiques antagonistes, et la nécessaire recherche de conscientisation et d’harmonisation de ces deux forces.

Selon Jung (1999) et le Professeur Hauer[1], en effet, le but du Yoga tantrique est une polarité équilibrée du féminin et du masculin. Le professeur de yoga, Christian Tikhomiroff (2017), soutient lui aussi cette idée :

« Le principe tantrique de la bipolarité revêt également une haute importance. La relation entre l’homme et la femme y est vue comme une interaction créatrice dans laquelle toutes les dualités et toutes les contradictions peuvent être résolues. » Tikhomiroff (2017, p. 29).

Comme dans la religion animiste, on recherche dans les religions orientales la véritable connaissance par la mise à l’écart de la « Raison ».

Ainsi, dans un des plus vieux écrit de l’Humanité, le « Yoga-Sutra »[2], Patañjali écrit :

« Le yoga est la suspension des activités du mental » (chapitre I, aphorisme 2).

 Il ajoute :

Ch. I, A. 47 ~ Quand a lieu la véraison[3]  de la (concentration) non-délibérative[4], il y a (alors) une éclaircie vers soi-même.

Kabîr (vers 1440-1518), célèbre poète mystique de l’Inde, se revendiquant à la fois de l’Hindouisme et de l’Islam soufi[5], explicite le pourquoi notre Corps prévaut sur notre Raison, c’est parce que c’est là que demeurent les Dieux[6] :

« L’antilope cherche partout le musc, ignorant qu’il se trouve dans son propre corps.

Ainsi nous cherchons le Seigneur (…) au-dehors.

Le musc se trouve dans le nombril de la gazelle, mais celle-ci le cherche dans la forêt. (…)

Ce seigneur qui demeure dans le corps, par erreur, on ne le reconnaît pas.

Comme l’antilope musquée, qui persiste à flairer le gazon. (…)

Comme la prunelle dans les yeux, ainsi est le Seigneur au milieu du corps,

Les insensés ne Le reconnaissent pas, et vont Le chercher au-dehors. »

Kabîr [vers 1440-1518] » (Cité par Comeau et al., 2001, p. 124).

Si nous avons la conviction que les dieux habitent notre corps, il nous devient plus difficile de négliger ce dernier et encore moins de le combattre !

C’est pour cette raison que, comme dans les cultures animistes, les orientaux recherchent des états de « transe » à partir d’exercices d’« entraînement attentionnel » (appelés plus couramment « méditation ») principalement centrés sur le corps. Car les orientaux semblent avoir très tôt identifié la focalisation de l’attention[7] comme moyen d’entrer en transe.

En effet, comme dans les cultures animistes, il y a l’idée que la véritable connaissance (« l’éclaircie ») ne peut surgir que si la raison est mise de côté et qu’ainsi, le « contenu » de notre corps soit conscientisé, ce que facilitent les états de « transe ».

Lu Tsou (1969, VIIIe siècle PCN) va même jusqu’à considérer la Raison (assimilée à l’« esprit conscient », lui-même associé au « cœur inférieur ») comme « usurpatrice » à partir du moment où elle cherche à exercer une ascendance sur la Nature (considérée comme le siège de l’« esprit originel » associé au « cœur céleste »).

Néanmoins, dans les cultures orientales, la Raison a son importance et doit donc recevoir une juste place.

Ainsi, Confucius prêche l’harmonisation de la Raison et de la Nature :

VI, 16 ~ « Nature qui l’emporte sur culture est fruste, culture qui l’emporte sur nature est pédante. Seule leur combinaison harmonieuse donne l’homme de bien. » (Anonyme, 1981, 551-479 ACN)

Ceci veut dire que si l’on ne fait pas appel à la Raison, il y aura peu de progression dans les savoirs et savoir-faire humains. Si au contraire, la Raison domine une Nature écrasée, l’humain deviendra prétentieux, étalant un savoir resté pourtant très incomplet.

Ainsi, contrairement aux cultures animistes, les orientaux font beaucoup plus appel à leur Raison et se sont évertués à commenter et à décrire minutieusement leurs exercices méditatifs, leurs conditions et leurs effets.

Par la pratique méditative, l’Humain doit chercher à conscientiser sa Nature propre, sa « Nature originelle »[8] qui peut être masquée par la « Culture » ainsi que cela est chanté dans le monastère de Thich Nhat Hanh :

« Mon corps et mon esprit en parfaite Pleine Conscience

Je redécouvre ma Nature Originelle

Et abandonne la rive de la confusion

Noble Sangha

Unifions tout notre être dans la Pleine Conscience. »[9]

La « Pleine Conscience » est en rapport avec la notion d’« Harmonie » : le mot « Pleine » renferme en effet une notion de globalité. Il s’agit donc dans la « Pleine Conscience » de conscientiser et d’accepter tout ce qui vient à la conscience sans jugement ou autre opposition, y compris pour des éléments en rapport avec la sexualité et la raison mais cela n’est possible qu’à certaines conditions[10]

Dans un second temps, il y a un effort de conceptualisation par la Raison de la Nature telle qu’elle est appréhendée par l’expérience méditative. Cet effort est beaucoup plus important dans la culture orientale que dans la culture animiste.

Dans ce contexte, la sexualité fait l’objet d’un intérêt particulier. On cherche toujours à l’intégrer même si la question se pose dans un second temps de l’intérêt de la concrétiser.

Le yoga illustre bien ce débat.

Il existe en effet des formes de yoga où la sexualité est sacralisée et devient une pratique religieuse à part entière car l’« épanouissement sexuel » est considéré comme lié à ce que l’on pourrait appeler l’« épanouissement spirituel ». Une de ces formes les plus connues est le « yoga tantrique ».

Cette forme de yoga est ainsi commentée par Christian Tikhomiroff, professeur de yoga :

« Le tantra âsana[11] montre la voie de la maîtrise de l’énergie sexuelle au service de l’accomplissement spirituel. Il nous apprend à explorer nos sens plutôt qu’à les dompter. Le Guhyasamâja Tantra affirme catégoriquement : « Personne ne réussit à atteindre la perfection moyennant des pratiques compliquées et vexatoires, mais la perfection peut être atteinte en réalisant tous nos désirs ». Les tantras sont uniques en ce sens qu’ils synthétisent les dimensions opposées, bhoga (jouissance) et yoga (libération). Nos pulsions hédonistes fondées sur le principe de plaisir peuvent alimenter une expérience spirituelle. L’exercice de la jouissance peut donc être considéré comme un acte spirituel dès lors qu’il est pratiqué avec une motivation et une intention justes, et après une initiation adéquate. Ainsi les pratiques sexo-yogiques deviennent-elles un yoga, la voie d’une réalisation spirituelle, un véhicule, bien que la sagesse conventionnelle considère le sexe comme profane et le voit comme un obstacle à toute forme de progrès spirituel. » (Tikhomiroff, 2017, p. 20, c’est nous qui soulignons).

Parallèlement, d’autres formes de yoga ne vont pas encourager la concrétisation de l’acte sexuel.

Et c’est cette dernière tendance qui s’est imposée en Orient, ainsi que Jung (1999), assisté du Professeur Jakob Hauer, indianiste, le précise lors d’une de ses conférences :

« Le Yoga tantrique a plutôt mauvaise réputation en Inde ; On le critique parce qu’il est lié au corps et notamment au sexe. (…) En Inde aujourd’hui, le yoga relève principalement du business et cela risque encore de s’aggraver lorsqu’il atteindra l’Europe » (Jung, 1999, pp. 232 et 233).

Cette citation date des années ’30, son présage s’est en effet vérifié et ne cesse de l’être…

Les célèbres « Kama Sutra » (que l’on pourrait traduire par « commentaire » ou « traité » du désir) ont été écrit par Vatsyayana qui a tenu à faire cette mise en garde :

« Cet ouvrage n’a pas été fait pour servir de simple instrument à satisfaire nos désirs. » (Vatsyayana, 1997, entre 6 ACN et 2 PCN, p. 156).

Car en effet, les « Kama Sutra », ce qui est moins connu, parle aussi des dimensions sociale (le  mariage) et affective (la « mise en confiance » du partenaire) de la sexualité (Vatsyayana, 1997, entre 6 ACN et 2 PCN).

On aurait tort de penser que les « Kama Sutra » comme le « yoga tantrique » sont une porte ouverte à une sexualité « sans foi ni loi ». En effet, si ces pratiques visent certainement la liberté sexuelle, cette dernière exige en effet de se fonder sur certaines qualités personnelles pour se développer et se maintenir[12].

Christian Tikhomiroff (2016) précise en effet :

« Ce genre d’initiation ne peut être prétexte à de quelconques orgies car le cadre rituel et sacré dans lequel elle se déroule, ainsi que la nécessité de compétence dans la maîtrise de ces énergies et des pensées, éloigne d’une façon absolue tout amateur, chercheur de sensation exotique ou déréglé sexuel. C’est un terrain soigneusement préparé sur lequel une spiritualité de la plus haute pureté peut éclore. » (Tikhomiroff, 2016, p. 20, c’est nous qui soulignons).

Vatsyayana dit de lui (en parlant à la 3e personne) :

 « Après avoir lu et médité les ouvrages de Babhravya et d’autres anciens auteurs, et bien examiné le sens des règles par eux édictées, Vatsyayana a composé les Kama Sutra, conformément aux préceptes de la Sainte Ecriture, pour le bénéfice du monde, alors qu’il menait la vie d’un étudiant religieux et qu’il était totalement absorbé dans la contemplation de la divinité. »  (Vatsyayana, 1997, entre 6 ACN et 2 PCN, p. 156).

Comme il l’écrit lui-même, les Kama Sutra sont le fruit d’une « contemplation de la divinité ».

Nous pouvons donc supposer que c’est en se laissant « absorber » par l’image de la divinité que Vatsyayana, se laissant alors allé à un état de transe légère, a eu les intuitions nécessaires pour écrire son ouvrage dont le but était l’épanouissement psycho-sexuel de ses contemporains jusqu’aux plus hauts degrés qui sont associés à l’état divin…

Et peut-être que l’image de la divinité sur laquelle méditait Vatsyayana ressemblait-elle à celle-ci représentant Civa et Parvati, dieu et déesse de l’Inde, ayant un corps sexué :

Image extraite de : Jung, 1964, p. 136.

[1] Indianiste. [2] Nous reprenons la traduction de Geenens (2003). [3] Entendez par « véraison », « maturation » ou « développement ». [4] Par « concentration non-délibérative », entendez une pratique de concentration où il n’y a plus de débat verbal intérieur à propos d’un sujet donné. [5] Voir « Wikipedia », article « Kabîr ». Kabîr est également lié au « Natha Yoga » que Christian Tikhomiroff (2016, 2017) enseigne. [6] Peut-être, certains Chrétiens trouveront-ils une idée similaire dans le 1er livre des Corinthiens (Nouveau Testament de la Bible), chapitre 6, versets 19 et 20 ~ 19 Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? 20 Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu. [7] La focalisation de l’attention est le moyen le plus couramment utilisé actuellement pour provoquer l’état hypnotique. En effet, l’induction hypnotique cherche par divers procédés à capter et à maintenir l’attention soutenue de la personne à « hypnotiser ». [8] Ou son « esprit originel » lié au « cœur céleste », selon Lu-Tsou (1969, VIIIe siècle). [9] Ce chant peut être écouté sur youtube à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=94Y8TlxOlCU[10] Notamment un « stress » réduit rendant l’activation émotionnelle gérable est une condition à rechercher. Les autres conditions sont « une motivation et une intention justes » (Tikhomiroff, 2017, p. 20). [11] Traduction : « la posture tantra » (âsana = posture). [12] Une des qualités personnelles nécessaire à la liberté personnelle est l’unité de notre personne ou de notre Âme (voir à ce sujet mon article sur l’Âme à l’adresse suivante : https://www.psychologika.com/)

En résumé :

Le point-de-vue oriental ne conçoit pas notre Nature (corps et émotion) comme une contrariété mais au contraire, comme le lieu de la Divinité qu’il est nécessaire pour l’Être Humain d’explorer (de conscientiser).

Pour faciliter cette conscientisation, les Orientaux ont développé toute sorte de techniques et de pratiques : la danse, la musique, la peinture, l’encens et autres parfums, l’utilisation des drogues et… des pratiques méditatives, dont le yoga, intégrant la sexualité…

Ces pratiques et techniques développent notre sensorialité (la conscientisation de ce qui nous parvient à travers nos sens) et notre sensualité (la conscientisation de ce qui nous parvient de l’intérieur de notre corps). Ce développement était considéré comme lié au « développement de notre religiosité » et parallèlement à notre développement sexuel !

L’association du développement religieux et du développement sexuel est explicite dans certaines cultures : elle est observée en Afrique (de Rachewiltz, 1993) mais aussi en Inde (avec le « yoga tantrique ») et également chez les Aborigènes d’Australie (Glowczewski, 1989).

Ainsi, selon le point de vue oriental mais aussi animiste, la sexualité non seulement n’est pas considérée comme antagoniste à la religiosité mais peut se mettre au service de cette dernière…

Sexualité et religion occidentale :

L’Occident se dit l’héritière de la civilisation égyptienne dont le mythe principal est en rapport avec un couple divin : Isis et Osiris.

« Osiris et Isis. Bas-relief. Abydos, temple funéraire de Séthi Ier, vers 1280 av. J.-C. » (Image et commentaire de : Dunand, 2000, p. 14).

« Osiris et Isis. Bas-relief. Abydos, temple funéraire de Séthi Ier, vers 1280 av. J.-C. » (Image et commentaire de : Dunand, 2000, p. 14).

Le culte d’Isis et d’Osiris est resté longtemps vivace en Occident (Dunand, 2000). On en trouve encore les traces dans « La Flûte Enchantée », l’opéra maçonnique de Mozart (Chailley, 1991), où les « initiés » sous la direction de Sarastro[1] leur rendent un culte et où l’on trouve l’idée que l’union des hommes et des femmes conduit à la divinité :

« Rien n’est plus noble qu’être mari et femme.

Mari et femme, et femme et mari

Atteignent à la divinité. »

La Flûte Enchantée ONZIÈME SCÈNE Duo Pamina, Papageno

(Collectif, 1980, p. 93).

L’Occident se dit également l’héritière du Judaïsme. Or dans l’Ancien Testament, l’on trouve ces deux idées :

Livre de la Genèse, chapitre 1, versets 27 et 28 ~ 27 Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. 28 Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre.

Livre de la Genèse, chapitre 2, verset 24 ~ C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.

C’est ainsi que dans la tradition judaïque, le rabbin peut non seulement se marier mais doit se marier, avoir des relations sexuelles et une descendance.

De plus, il semble que la sexualité dont il est question dans ces versets n’est pas réduite à sa fonction de procréation, il est en effet également question que l’homme et la femme deviennent « une seule chair ». Peut-on voir dans cet appel à l’unité homme-femme la même préoccupation des Aborigènes d’Australie ou du yoga tantrique qui cherchent à harmoniser les polarités féminines et masculines ?

Cette question prend d’autant plus d’acuité que des archéologues contemporains, comme William G. Dever[2] (2005) par exemple, émettent l’hypothèse de plus en plus argumentée que Yahvé lui-même, le dieu des Juifs, avait une épouse à ses côtés appelée « Ashera ».

Enfin, l’Occident se dit l’héritière de la civilisation gréco-latine dont la mythologie présente un Univers peuplé de dieux et de déesses qui avaient un corps sexué. Dans cette mythologie, la nature divine et la nature humaine sont si proches qu’il est possible pour un dieu d’avoir des relations sexuelles avec une humaine et d’enfanter : c’est ainsi que naît le célèbre « Héraclès » ou « Hercule », né d’une mère humaine mais dont le père n’est autre que Zeus lui-même (Grimal, 1951).

Le poète Aratus va même jusqu’à écrire dans son poème « Les phénomènes » que les humains sont d’ascendance divine :

Vers 1 à 5 ~ Que Zeus reçoive nos premiers hommages : chantons et célébrons sa puissance ! La terre, les mers, et les demeures des hommes sont remplies de sa présence. Faibles mortels, nous avons besoin de son secours, car nous sommes la lignée de Zeus même.

Vers 6 et s. ~ (…) Je te salue, ô père des hommes ! Prodige incompréhensible de l’infini, je te salue ![3]

Aratus est cité par Paul dans les Actes des Apôtres (Nouveau Testament chrétien) :

Actes, chapitre17, versets 21 et 22, 27 à 29 ~ 21 Or, tous les Athéniens et les étrangers demeurant à Athènes ne passaient leur temps qu’à dire ou à écouter des nouvelles. 22 Paul, debout au milieu de l’Aréopage, dit : Hommes Athéniens, je vous trouve à tous égards extrêmement religieux. 23 Car, en parcourant votre ville et en considérant les objets de votre dévotion, j’ai même découvert un autel avec cette inscription : A un dieu inconnu ! Ce que vous révérez sans le connaître, c’est ce que je vous annonce. 24 Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, étant le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite point dans des temples faits de main d’homme ;

 (…) 27 il a voulu qu’ils cherchassent le Seigneur, et qu’ils s’efforçassent de le trouver en tâtonnant, bien qu’il ne soit pas loin de chacun de nous, 28 car en lui nous avons la vie, le mouvement, et l’être. C’est ce qu’ont dit aussi quelques-uns de vos poètes : De lui nous sommes la race[4]… 29 Ainsi donc, étant la race de Dieu, nous ne devons pas croire que la divinité soit semblable à de l’or, à de l’argent, ou à de la pierre, sculptés par l’art et l’industrie de l’homme.

Puis à partir du 5e siècle après Jésus-Christ, l’Occident a été marqué par la pensée d’Augustin, ce qui provoqua une rupture nette avec ce qui a précédé à propos de la sexualité.

La question de la sexualité avait été particulièrement mise en avant lors d’un débat virulent entre Augustin et Julien d’Eclane au 5e siècle de notre ère.

Julien d’Eclane, évêque de son état :

« n’avait pas besoin de se forcer pour chanter la bonté persistante de la nature créée par Dieu. Il avait eu une jeunesse heureuse, couronnée par son bonheur conjugal avec Titia, la fille, d’Aemilius, évêque de Bénévent. Il était entré en continence en même temps qu’il entrait dans les ordres, mais ce court bonheur charnel ne lui avait pas laissé de souvenirs mêlés. A la différence d’Augustin, il l’avait vécu sans nul trouble. Cet émoi qui ébranle tout le corps, puis se fixe et se concentre pour permettre l’acte sexuel – il appelait « force de la volupté » (…), cette « chaleur qui se fait sentir avant et pendant l’œuvre de la « chair » – était pour lui l’agent voulu par Dieu pour rendre possible la procréation : l’union des sexes accompagnée de volupté avait été instituée et bénie par lui. Cette libido était son œuvre, c’était lui qui, chez les hommes comme chez les animaux, allumait la flamme de la génération. Cette ardeur (…) était tout simplement la servante des époux ; elle était bonne en soi, il fallait seulement en contrôler les excès. » » (Lancel, 1999, pp. 587 et 588).

Julien rappelle avec justesse que jamais dans l’Ancien Testament, Dieu n’a condamné la sexualité. Bien au contraire, Julien fait remarquer ce passage de la Bible (Genèse 1 : 27 et 28, cité plus haut) où Dieu donne l’ordre aux humains d’être féconds. Dieu donne ainsi l’ordre implicite d’avoir des rapports sexuels, ce qu’il ne ferait pas si la sexualité avait un rapport avec le péché.

Augustin réfute l’argument en rétorquant que ce commandement était valable uniquement dans le Paradis Terrestre avant la déchéance de l’être humain résultant de sa désobéissance[5]. Et depuis cette déchéance d’Adam et Eve, la Nature Humaine est entachée du péché originel, ce qui change tout…

« Adam s’était mué, d’« olivier franc » qu’il était, en « olivier sauvage », et il avait à sa suite transformé tout le genre humain en olivier sauvage. » (Lancel, 1999, pp. 596 et 597).

Ainsi, pour Augustin, la Nature Humaine étant corrompue, elle devient une porte d’entrée pour toute sorte de tentation satanique.

Le remède qu’Augustin préconise à cet état de fait est que la Nature reste entièrement soumise à la Raison (Duby, 1981). Il est indispensable pour ce faire de ne pratiquer aucune activité qui mettrait la Raison de côté comme la musique, la danse, l’art en général et… la sexualité (Lancel, 1999) !…

Augustin explicite en effet le problème de la sexualité en évoquant sa propre expérience de ce que l’on appellerait aujourd’hui l’« orgasme » :

« Avant de parvenir à cette « extase », le corps se mobilisait d’une façon tout à fait indépendante de la volonté, au gré de pulsions incontrôlables par l’âme » (Lancel, 1999, p. 595).

Augustin précise à propos d’Adam dans le paradis et avant sa déchéance :

« s’il lui conservait un sexe, ainsi qu’à sa compagne, c’était avec un mode opératoire analogique des autres membres du corps, obéissant aux ordres de la volonté, sans passion d’un côté comme de l’autre (…) l’acte de chair des organes génitaux auraient servi à nos premiers parents « comme leurs mains à des ouvriers » » (Lancel, 1999, p. 596).

Augustin conçoit donc la Nature Humaine comme idéalement entièrement soumise à la Raison et dans cette condition, l’excitation sexuelle se produit uniquement par une volonté consciente. Ce n’est donc que dans cette condition perdue (qui existait dans le paradis avant la désobéissance d’Adam et Eve) que la sexualité serait acceptable.

Depuis la chute, l’impulsion sexuelle, émanant de notre corps et donc de notre Nature, cherche à s’imposer à notre Raison et c’est une lutte perpétuelle que de combattre cette impulsion comme tout ce qui émane de notre Nature désormais devenue la porte d’entrée à des influences maléfiques. Cette idée est reprise par le Catéchisme (version 1998) de l’Eglise Catholique :

« 2515 ~ Au sens étymologique, la « concupiscence » peut désigner toute forme véhémente de désir humain. La théologie chrétienne lui a donné le sens particulier du mouvement de l’appétit sensible qui contrarie l’œuvre de la raison humaine. L’apôtre S. Paul l’identifie à la révolte que la « chair » mène contre l’« esprit ». Elle vient de la désobéissance du premier péché. Elle dérègle les facultés morales de l’homme et, sans être une faute en elle-même, incline ce dernier à commettre des péchés.

2516 ~ Déjà dans l’homme, parce qu’il est un être composé, esprit et corps, il existe une certaine tension, il se déroule une certaine lutte de tendances entre l’« esprit » et la « chair ». Mais cette lutte, en fait, appartient à l’héritage du péché, elle en est une conséquence et, en même temps, une confirmation. Elle fait partie de l’expérience quotidienne du combat spirituel » (Collectif, 1998, p. 511).

C’est très progressivement que les idées augustiniennes se sont imposées à l’Eglise Catholique dont la hiérarchie, prenant fait et cause pour Augustin, a éliminé petit à petit tous les autres courants plus favorables à la Nature[6], jusqu’à ce que ces idées deviennent une sorte de « pensée unique », ne faisant à ce jour plus débat chez les Catholiques.

Il faut noter le rôle actif des empereurs romains : l’excommunication de Julien d’Eclane a été appuyée par l’empereur Honorius qui a condamné au bannissement tous les partisans de Julien (Voir l’encyclopédie Wikipedia, article « Julien d’Eclane »). Du vivant même d’Augustin, ses opposants se disaient vaincus plus par l’armée ou la politique romaines que par la justesse des arguments augustiniens (Garric, 1997 ; Lancel, 1999) !…

Il est intéressant de faire remarquer ici que Newton pensait que la corruption s’était introduite en Occident lorsque Rome abandonna le culte de VESTA en tant que déesse-mère de toute chose (Auffray, 2000). Newton pensait en effet qu’à ce moment-là, fut mis de côté en Occident l’étude de la Nature et de ses transformations (Auffray, 2000).

De fait, la question se pose de savoir si l’enseignement d’Augustin était bien le même enseignement que celui des Patriarches de l’Ancien Testament ou de Jésus-Christ.

Et cette question peut devenir : sommes-nous réellement dans une civilisation « judéo-chrétienne » ou bien plutôt dans une civilisation « romaine » ? Le Christianisme tel que nous le connaissons aujourd’hui est-il conforme au Christianisme primitif ou est-il un Christianisme qui a hérité de la même corruption de la civilisation romaine que dénonce Newton (Auffray, 2000).


[1] Ce nom renverrait à Zoroastre ou Zarathoustra (Chailley, 1991) que Plutarque (50-125 PCN, 1992) désigne comme le fondateur de la religion véritable. La véritable religion est pour  Plutarque (50-125 PCN, 1992) nécessairement dualiste, c’est-à-dire postulant l’existence de deux forces contraires (mais harmonisables) régissant l’Univers tout entier, le Féminin et le Masculin, par exemple. [2] William G. Dever, né le 27 novembre 1933 à Louisville au Kentucky, est un archéologue américain, spécialiste de la période biblique. Il a été professeur d’archéologie à l’université d’Arizona, à Tucson, de 1975 à 2002. (Wikipedia, article « William G. Dever », le 15 février 2020). [3] Aratus (IIIe siècle ACN). « Les phénomènes ». Consultable sur http://www.cosmovisions.com[4] « Race », dans le sens de « descendance ». [5] Rappelons pour ceux qui ne seraient pas familier du mythe d’Adam et Eve que ces derniers ont été déchus de leur état parfait dont ils jouissaient dans leur paradis divin après qu’ils aient désobéi à Dieu en mangeant d’un fruit qui leur était défendu. Après cette déchéance, Adam et Eve ont fini leurs jours sur la Terre telle que nous la connaissons. [6] comme celui défendu par Julien d’Eclane, évêque catholique jusqu’à sa condamnation à l’exil (Lancel, 1999).

L’« héritage » d’Augustin :

Cette célèbre eau-forte du 18e siècle du peintre espagnol Francisco de Goya, intitulée « El sueño de la razón produce monstruos » (en français « Le sommeil de la raison engendre des monstres ») résume à elle seule l’héritage légué à notre culture par Augustin, à savoir le primat de la Raison sur la Nature, et cette idée s’est remarquablement maintenue, survivant à toutes les réformes, à toutes les révolutions et même à la déchristianisation…

En effet, elle a été largement reprise par les « réformateurs » protestants, comme Luther[1] (Garric, 1997 ; van Oort, 2000) qui a été formé dans la plus stricte doctrine augustinienne…

C’est ainsi que Bach, avant d’être mis en avant par les protestants comme l’un de leurs plus brillants représentants, s’est plaint presque toute sa vie du mépris avec lequel était traitée sa musique : notamment, Bach a eu affaire avec le pasteur Frohne qui accusait la musique de « distraire » inutilement les fidèles (Dhombre, 1988)[2].

Quant à Calvin, lui également tenait en grande estime Augustin (van Oort, 2000).

En ce qui concerne l’Islam, beaucoup de théologiens musulmans comme Boubakeur (1993), ne cachent pas leur admiration pour Augustin[3]. Les courants islamiques contraires à la pensée d’Augustin, comme le soufisme, ont fait l’objet de persécutions parfois très dures de la part des autres musulmans (Collectif, 1998a). Ce n’est donc pas du côté de l’Islam que l’on peut s’attendre à une remise en question fondamentale de l’augustinisme même si l’Islam a une vision plus « promotionnelle » de la sexualité en ce sens qu’il est un devoir religieux pour l’homme comme pour la femme de se satisfaire mutuellement sur le plan sexuel[4].

Ce n’est pas non plus la « Révolution Française » qui nous a libéré de la pensée d’Augustin, loin des idées de Diderot ou de Rousseau, les « révolutionnaires » (du moins au sommet de la hiérarchie !) ont gardé la vision pessimiste de la Nature Humaine telle que l’avait conceptualisée Augustin, justifiant par là même la nécessité d’un régime basé sur la Terreur (Martin, 2002).

Ce n’est même pas la philosophie moderne qui nous délivrera de la pensée d’Augustin. Ainsi, mon professeur de philosophie, Robert Joly (1986), que j’ai beaucoup apprécié pour son savoir, se disait fermement athée. Il refusait à Confucius ou Lao-Tseu et autres penseurs orientaux le statut de « philosophe » car il ne voyait pas chez eux de recherche rationnelle d’une synthèse (non finie) de l’Univers. Il considérait le Christianisme actuel comme une religion bien meilleure que les autres du fait qu’elle avait donné à la Raison la place principale qu’elle mérite, contrairement aux autres religions. Cela ne l’empêchait pas par ailleurs de voir le Christianisme comme une entrave au progrès ! Enfin, il n’était pas question pour lui de croire que l’Imagination puisse apporter à l’Être Humain une quelconque forme de connaissance et de ce fait, les mythologies ne pouvaient avoir un intérêt que pour l’historien des religions… Il affirmait par ailleurs que l’Être Humain du fait de sa Nature portée à toutes sortes de maux nécessitait un cadrage sévère (et je me souviens qu’il faisait à ce moment-là de sa main le geste de « serrer la vis »).

Ce n’est pas non la politique contemporaine qui nous délivrera de la pensée d’Augustin : curieusement, alors que les « troubles orgasmiques » font bien partie des pathologies médicales reprises dans des manuels de diagnostic médical comme le DSMV ou la CIM-10 de l’Organisation Mondiale de la Santé, il n’en est nullement question dans la politique de santé sexuelle de notre gouvernement[5]

L’épanouissement sexuel de la population n’est donc pas à l’ordre du jour et n’est pas près de l’être !

Ce n’est même pas la psychologie moderne qui nous délivrera de la pensée d’Augustin. En effet, la philosophie structuraliste qui a profondément influencé les Sciences Humaines en France et notamment la psychanalyse française ne donne pas de la Nature Humaine une vision plus rassurante qu’Augustin, ainsi que le décrit le Professeur Patrick De Neuter, fervent lacanien :

« Le désir, (…) est dans sa nature originaire incestueux et meurtrier [Je me suis permis un jour d’écrire : « incestueur ».], cannibalique, masochiste et sadique, » (De Neuter, 1992, extrait des pp. 135-145).

On comprend que lorsque l’on a une telle vision de la Nature Humaine, les lacaniens, comme Millot (1979), préconisent l’indispensable « refoulement » si besoin en recourant à l’angoisse comme moyen éducatif !

Depuis Augustin donc, la Raison doit dominer la Nature. Il n’est bien sûr plus question de promouvoir le Féminin traditionnellement associée à la Nature (Plutarque, 50-125 PCN, 1992). Les prêtresses ont été renvoyées au vestiaire et n’ont pu revenir que si elles se comportaient fondamentalement comme les hommes ! L’idée de l’existence possible de déesses a purement et simplement disparue de nos pensées !

Une citation de Charles Mopsik[6] vient bien à propos conclure ce chapitre :

« L’idée de Dieu que les religions monothéistes ont imposée aux hommes semble avoir exclu toute référence à la sexualité comme facteur d’approche ou d’expérience du divin. De plus, la conception d’un Dieu unique sous la forme d’un Père tout-puissant et sans partenaire féminine a constitué le fonds commun du discours théologique ordinaire, qui sur ce point a influencé les philosophies occidentales et les métaphysiques qu’elles ont élaborées. Ces cadres mentaux et ces représentations ont eu toutes sortes de conséquences dans l’histoire de la civilisation chrétienne et islamique ainsi que dans le judaïsme, elles ont si fortement imprégné les esprits que nul ne se rend compte qu’elles sont le fruit d’une idéologie religieuse particulière dont les principes ne vont pas de soi. L’état d’incapacité dans lequel est l’homme d’aujourd’hui, croyant ou incroyant, de se dégager de ces structures, résulte entre autres du fait que ces systèmes religieux et philosophiques ont proclamé leur conception du Dieu asexué ou unisexué comme étant la seule qui serait rationnelle et ont rejeté toutes les autres dans les catégories de la mythologie.

Se voulant les seuls héritiers de la religion biblique, les juristes et les théologiens des trois religions monothéistes regardent comme un dangereux dévoiement toute autre conception du divin. » » (Charles Mopsik, cité par Leloup, 2003, pp. 43 et 44).


[1] Il est à remarquer que Luther a combattu avec des appels au meurtre à la fois les Anabaptistes et les Juifs (ces appels ont d’ailleurs été largement repris par les nazis). [2] En ce qui concerne les Catholiques, on peut regretter qu’un de leurs prêtres, Vivaldi (dont la musique a été oubliée à sa mort pour ne véritablement réapparaître qu’au 20e siècle !), soit si peu mis en avant. [3] D’ailleurs, la seule rue d’Alger à ne pas avoir été débaptisée à l’indépendance de l’Algérie est la rue Saint-Augustin (Garric, 1997). [4] C’est du moins ce que m’a soutenu une collègue sexologue libanaise qui compte dans sa clientèle autant de Chrétiens que de Musulmans. [5] Voir la « Feuille de route stratégie nationale de santé sexuelle 2018-2020 », publiée par le Ministère des Solidarités et de la Santé. [6] Élève de Jean Zacklad (1929-1990) lui-même initié à la Kabbale par le Rav Levi Saadia Nahmani, il s’est spécialisé dans l’étude des traditions mystagogiques et théurgiques juives qui se sont développées en Espagne et en Provence à partir des XIIe siècle et XIIIe siècle. Il a soutenu son doctorat d’État en philosophie à l’Université Paris I en 1987, avec des Recherches autour de la « Lettre sur la sainteté » du poète cabaliste Rabbi Todros Aboulafia (1222-1298).

Deux points-de-vue radicalement opposés :

Ainsi le monde s’est divisé en deux :

  1. du côté oriental, ceux qui, comme Kabîr (Comeau, 2001), pensaient que c’était dans notre corps qu’il fallait rechercher les dieux ou qui, comme Lu-Tsou (1969, d’après une tradition orale remontant au VIIIe S. PCN) pensaient que c’était la Raison qui avait un caractère diabolique[1] si elle usurpait tout le pouvoir sur notre Nature ;
  2. du côté occidental, ceux qui comme Augustin (Duby, 1981 ; Lancel, 1999), pensaient exactement le contraire à savoir que c’était la Nature qui avait un caractère satanique si elle ne se soumettait pas entièrement à la Raison.

Il est cependant important de préciser une nouvelle fois ici que dans la pensée orientale c’est l’Harmonie de la Raison et de la Nature qui est recherchée, comme le précise Confucius (Anonyme, 1981, 551-479 ACN, p. 58)[2].

Si du côté oriental donc, on pense que la sexualité peut nous rapprocher des Dieux et même nous aider à leur ressembler ; du côté occidental, on pense tout-à-faire le contraire à savoir que la sexualité ouvre la porte aux forces sataniques.

On aurait pu envisager laisser cette différence idéologique subsister et constater après plusieurs générations quels mythes permettaient aux êtres humains d’évoluer vers le plus de bonheur personnel mais cela ne s’est pas passé de cette manière : le conflit idéologique, il est vrai assez fondamental, a tourné au rapport de force et bien évidemment, la supériorité technologique occidentale a donné un large avantage dans le conflit armé !…

C’est ainsi que, très souvent par la force des armes, l’Occident et sa pensée se sont imposés au reste du monde : la colonisation de l’Inde par la Grande Bretagne, les « Guerres de l’Opium » contre la Chine, l’attaque des ports japonais par les Etats-Unis (1853-1854) et bien d’autres guerres ont fini par éradiquer la pensée orientale traditionnelle[3]

Même les cultures animistes les plus éloignées de l’Occident (géographiquement et culturellement) sont de plus en plus influencées par le mode de vie occidental et les anthropologues sont depuis longtemps très pessimistes quant à l’avenir des traditions animistes (Glowczewski, 1989 ; Saladin d’Anglure, 2006).


[1] Rappelons que « diable » vient du latin « diabolus » et du grec « diabolos », désignant celui « qui désunit, divise » (Larousse 2007).[2] Nous apparentons la Culture à la Raison. Il est important de savoir que le confucianisme n’a pas toujours fait l’unanimité en Chine : les « Légalistes » s’opposaient à eux et, sous l’empereur Qin Shi Huang, certains Confucéens ont été enterrés vivants tandis que leurs livres étaient brûlés. Mao s’était donné comme mission de poursuivre une telle tâche et il y a réussi ! Voir à ce propos l’encyclopédie Wikipédia, article « Qin Shi Huang ». Ainsi, c’est un raccourci que j’ai fait en réduisant le débat sur cette question à une opposition entre l’Orient et l’Occident. [3] J’aborde ce sujet plus en détails dans mon livre « Tintin, l’Ombre et la Transformation de l’Âme », paru en 2018 aux éditions Vie.

Les conséquences :

C’est ainsi que s’est retrouvée jusqu’au 21e siècle une vision de la Nature Humaine qui comme au 5e siècle après Jésus-Christ ne nous incite guère à nous laisser conduire par elle, notamment lors de nos rapports sexuels. Comment s’étonner dès lors qu’encore au 21e siècle, certaines femmes me disent avoir honte de se laisser aller aux mouvements incontrôlés de leur corps au cours des rapports sexuels quand ceux-ci provoquent encore ce type de réactions car bien souvent, le rapport sexuel est mené plus par l’intellect que par le corps !…

Comme l’a souhaité Augustin, quasi dans le monde entier, la Raison a établi une domination sur la Nature.

Comme le préconisait Augustin, quasi le monde entier craint aujourd’hui de mettre (même très provisoirement) sa Raison de côté pour laisser libre cours aux impulsions du corps.

Augustin semble avoir laissé derrière lui une « ambiance » socio-culturelle où se maintient une méfiance voire une contemption envers le corps ; à contrario, notre faculté de penser est surinvestie.

Jon Kabat-Zinn en résume de cette manière les conséquences :

« Nous sommes peu conscients du fait que nous pensons tout le temps. Le flux de pensées incessantes qui traverse notre esprit nous laisse peu de temps pour une plage de calme intérieur. » (Kabat-Zinn, 2004, p. 26).

Il peut désormais être considéré pour acquis que les pensées automatiques et le recours excessif à la pensée pour trouver des solutions à nos problèmes psychologiques et relationnels est en fait un des principaux processus mentaux qui conduit à la psychopathologie (Baeyens et al., 2012 ; Segal, 2006). Trop penser est en effet un des processus mentaux qui génère l’« évitement émotionnel » (Nef et al., 2012 ; Heeren et al., 2012) qui pourrait en partie correspondre à ce que les psychanalystes ont appelé le « refoulement » et qui est lui-même considéré comme un des fondements de l’entrée en psychopathologie (et en sexopathologie !). Johan Vanderlinden[1] (2006) qui utilise l’hypnose a relaté ainsi le témoignage d’une de ses patientes anorexiques sous hypnose :

« Lorsqu’une jeune fille se trouve en phase de dénégation (…), on l’invite à écouter la voix de sa sagesse intérieure :

Qu’en dit mon cœur ?

Mon cœur (…) ne se sent pas bien dans un corps aussi maigre, il n’y est pas heureux. Je me sens mal dans ce corps. (…) et en fait, je refuse les sentiments qui se cachent au fond de moi. Je me sens tendue, inquiète, fébrile, agitée et aux abois. Je ne peux pas jouir de ce que je fais (par exemple : aller en vacances, aller en ville, me promener dans le parc) parce que je ne pense qu’à mon corps, à ce que j’ai mangé aujourd’hui, au nombre de calories que je suis en train de brûler, au nombre de calories qui se sont ajoutées quand j’ai mangé un biscuit. Et ainsi, je refoule tous mes sentiments : haine, colère et rage tout comme angoisse, chagrin, amour et tendresse. » (Vanderlinden, 2006, pp. 58-59, c’est nous qui soulignons).

Ce témoignage illustre bien comment les pensées automatiques excessives provoquent l’évitement émotionnel.

Lorsque la patiente a avancé dans sa thérapie, elle témoigne :

« Que dit mon corps de ma santé retrouvée ?

Les signaux que m’envoie mon corps sont bons ; cela vient de la santé de mon corps et de mon poids. J’ai retrouvé beaucoup d’énergie pour faire du sport, aller à l’école et sortir.

Qu’en dit mon intuition ?

L’énergie, je l’ai trouvée en ayant un bon poids mais aussi parce que je ne dois plus lutter contre mon corps. Je vis l’unité de mon corps, de mon esprit et de mes sentiments ; c’est ce qui me donne l’énergie pour faire tout ce que je veux, et être bien dans ma peau. » (Vanderlinden, 2006, p. 59, c’est nous qui soulignons).

Ce que cette jeune fille souffrant de trouble de la conduite alimentaire (une des fonctions primaires de l’organisme comme la sexualité) a témoigné peut aisément se transférer aux troubles sexuels.

C’est ainsi que, même durant les rapports sexuels, la pensée peut dominer, générant un biais attentionnel qui gêne la montée de l’excitation sexuelle et provoque les troubles orgasmiques notamment chez la femme (Adam, 2015).

25 à 40% des femmes seraient touchées par de tels troubles (Adam, 2015). En comparaison, des anthropologues observaient encore dans les années ’60 en Afrique que dans certaines tribus, près de 90% des femmes disaient pouvoir accéder à l’érotisme vaginal de la « vraie femme » (Claes, 1994, p. 46) !


[1] Monsieur Johan Vanderlinden est psychologue clinicien et psychothérapeute à l’unité des troubles du comportement alimentaire du Centre Universitaire St Joseph à Kortenberg (Belgique), il collabore au département psychodiagnostique et psychopathologie de la faculté de psychologie de la KUL (Katholiek Universiteit te Leuven, Belgique), est membre du comité de rédaction de plusieurs revues spécialisées et a publié de nombreux articles et plusieurs livres sur le traitement des troubles du comportement alimentaire.

Sexualité, Christianisme dominant et Christianisme marginal :

L’Antiquité à travers ses mythes, nous parlait d’un Univers peuplé de dieux et de déesses dont la Nature était très proche de celle des Humains : ils avaient un corps et étaient sexués. Les cultes étaient rendus par des prêtres et des prêtresses qui avaient le plus souvent chacun leurs fonctions propres.

Certains, comme Aratus, pensaient que nous étions la descendance même de Zeus.

Mais depuis Augustin, le christianisme a mis de côté tout cela et est devenu, souvent par l’usage de la force émanant des pouvoirs politiques en place, une idéologie dominante.

Mais on trouve en Occident tout au long de son histoire des traces de ses mythologies passées.

Dès l’Antiquité, on trouve des évangiles apocryphes[1] qui nous donnent une autre vision du Christianisme que celle que défend Augustin. Ainsi en est-il de l’« Evangile de Philippe » où il est question pour le Christ de « noces mystiques ». A l’étude de cet apocryphe, Jean-Yves Leloup (2003), théologien orthodoxe marginal, apporte les réflexions suivantes :

« Jésus-Christ est vraiment Dieu et vraiment homme, et homme entier ; c’est-à-dire ayant un corps sexué, une âme et un esprit autonomes (soma, psyché, noùs), son intimité avec Myriam de Magdala en témoigne.

(…) Ce corps parlant était aussi un corps aimant et aimant non de façon platonique ou hellène, mais avec toute la présence sensuelle et psychique de l’humain « biblique ». » (Leloup, 2003, pp. 16 et 17)

Jean-Yves Leloup (2003) ajoute :

« Devons-nous changer nos habitudes concernant notre rapport à la conception, à la naissance, aux relations entre l’homme et la femme ? Devons-nous remettre en question notre image du Christ, la réalité de son humanité, sa relation avec les femmes et plus particulièrement avec Myriam de Magdala ?

La sexualité est-elle un péché, un processus naturel ou un lieu d’épiphanie du divin[2], le « Saint des saints » ? » (Leloup, 2003, p. 33)

Par ailleurs, Kasser (philologue et archéologue suisse, professeur à l’Université de Genève) et al. (2006) rappellent l’existence dans plusieurs textes apocryphes, notamment le « Livre secret de Jean », de « Barbèlô », « une figure éminente des écrits séthiens[3] » qui « assume fréquemment le rôle de notre mère au ciel » (Kasser et al., 2006, p. 164). Une sorte de « déesse-mère » donc aux côtés du « Père qui est aux cieux »…

Kasser et al. (2006) ajoutent : « le nom de Barbèlô « condense » l’expression hébraïque suivante : « Dieu (El) en (b-) quatre (arb[a]) » » (Kasser, 2006, p. 165).

Ceci ne va pas sans s’associer à l’image reprise par Jung (1964) à partir d’un livre d’heures français du XVe siècle. Vous remarquerez qu’aux côtés des trois membres de la Trinité (qui sont trois personnes séparées ayant chacun un corps), se tient un quatrième personnage qui est une femme.

« Miniature d’un livre d’heures français du XVe siècle » Image extraite de Jung, C. G. et al., 1964, p. 226.

Dans le Christianisme du Moyen-Âge, on trouve encore des traces d’un dieu doté d’un corps. Ainsi le pensaient les « Bons Chrétiens » comme ils s’appelaient eux-mêmes mais qui sont plus connus sous le nom de « Cathares » :

« Selon la conception traditionnelle et générale, l’être humain était en effet, pour les Bons Chrétiens, un triple composé : esprit, âme et corps. Ainsi en allait-il également de la créature divine. » (Brenon[4], 1996, p. 186).

On trouve encore au XIXe siècle, des personnes qui osent défendre l’idée que Jésus était marié, a eu une activité sexuelle et une descendance.

Ainsi, Orson Pratt, mathématicien et membre du Collège des Douze Apôtres de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, a écrit vers 1853 :

« Une chose est certaine, qu’il y a de nombreuses saintes femme qui ont grandement aimé Jésus – comme Marie, Marthe et sa sœur, et Marie-Madeleine ; et Jésus les a grandement aimé, (…) et quand Il est ressuscité des morts, au lieu d’apparaître en premier (…) à Ses témoins choisis, les Apôtres, Il apparait d’abord à (…) l’une d’entre elles – appelée Marie-Madeleine. Maintenant, il serait très naturel pour un mari au moment de sa résurrection d’apparaître premièrement à ses propres épouses bien-aimées, et ensuite se montrer à ses autres amis. Si tous les actes de Jésus étaient écrits, nous apprendrions sans aucun doute que ces femmes bien-aimées étaient ses épouses. » (Pratt, O. (1993, 1ère édition en périodiques 1853-1854, p. 105, c’est nous qui avons traduit).

 

Cette hypothèse sulfureuse[5] suscite en général à l’époque comme encore aujourd’hui une forte opposition mais finalement, si l’on part du postulat que la sexualité est divine[6], pourquoi serait-ce si choquant que Jésus-Christ ait pu mener une vie sexuelle ?

Quoique le mariage du Christ ne soit pas un dogme officiel de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, cette dernière prêche toujours actuellement comme dogmes l’existence d’un Univers peuplé de Dieux et de Déesses. Les Humains restent pour cette Eglise une descendance littérale de parents divins : un Père et une Mère célestes[7].

Un de ses artistes contemporains, Kirk Richards, n’a pas hésité à représenter ce dogme dans une de ses œuvres d’art intitulée « Breath of live » (« souffle de vie », qui représente le moment de la création d’Adam)[8] :

Cette image peut être mise en correspondance avec « La Création d’Adam » par Michel-Ange[9], qui, rappelons-le, était partisan de Jérôme Savonarole, brûlé pour hérésie (Antonetti, 1999) :

On remarque sur cette fresque que le visage de Dieu le Père ressemble au visage plus jeune d’Adam : une ressemblance qui fait penser à celle d’un père et d’un fils.

On remarque également que le Père a un corps et que son bras gauche est enroulé autour d’une figure féminine, habituellement identifiée comme Eve ou Lilith, qui ni l’une ni l’autre n’existaient encore au moment de la création d’Adam, si l’on s’en tient à la Genèse (livre biblique racontant les origines de l’Humain).

Une hypothèse plus hardie serait qu’il s’agit plutôt d’une représentation de celle qui était appelée « Barbêlo », notre « mère au ciel »…

Au XXe siècle, Wilhelm Reich (2006), que l’on peut considérer comme le père du courant « psycho-corporel » en psychothérapie et comme un des premiers sexothérapeute se revendiquant « scientifique », affirme sa conviction que Jésus a eu une activité sexuelle. Il écrit en effet :

« Le Christ n’aurait jamais pu être aussi limpide qu’une eau de source et aussi perceptif qu’un cerf s’il avait été rempli des immondices d’une sexualité pervertie du fait d’avoir été frustré de l’étreinte naturelle. Il ne peut subsister aucun doute : le Christ connaissait l’amour du corps et les femmes aussi bien qu’il connaissait les autres choses de la nature. » (Reich, 2006, p. 50).

Wilhelm Reich a été qualifié d’« obsédé », de « psychopathe », de « pervers » et de « schizophrène », de quoi nous rassurer sur le caractère tout-à-fait farfelue de cette hypothèse !

L’hypothèse du mariage de Jésus a par ailleurs été reprise de manière plus ou moins sérieuse par toute une série de romanciers et de fondateurs de secte mais elle est aussi défendue par des scientifiques de renom, ainsi Barrie A. Wilson, Professeur de « Sciences Religieuses » à la « York University » de Toronto, Canada, qui, en association avec d’autres chercheurs universitaires, a décrypté un ancien texte évoquant le mariage de Jésus avec Marie-Madeleine (Jacobovici&Wilson, 2014).

Il y a cependant beaucoup de résistances à l’organisation d’un débat sérieux autour de cette hypothèse car si elle était vérifiée, elle remettrait profondément en cause l’idée selon laquelle notre civilisation est une civilisation « judéo-chrétienne » mais plus encore elle questionnerait les fondements même de notre culture occidentale qui repose sur le primat de la Raison sur le Corps !…

En tous les cas, il semble démontré que la conception de la sexualité telle qu’Augustin l’avait énoncée ne fait pas l’unanimité au sein du Christianisme et ne l’a sans doute jamais fait… Il semble également démontré que la conceptualisation d’une sexualité divine pourrait très bien s’intégrer au Christianisme.

Finalement, peut-on espérer aujourd’hui que ceux qui comme Aratus se diraient de descendance divine ne finissent pas comme Jésus-Christ lui-même, à savoir crucifié parce qu’il affirmait être le « Fils de Dieu » ?

Les Evangiles nous rappellent en effet que c’est précisément cela qui a été le motif décisif de la condamnation à mort de Jésus-Christ :

Jean 5 : 18 ~ A cause de cela, les Juifs cherchaient encore plus à le faire mourir, non seulement parce qu’il violait le sabbat, mais parce qu’il appelait Dieu son propre Père, se faisant lui-même égal à Dieu (c’est nous qui soulignons).

Jean 19 : 7 ~ Les Juifs lui répondirent : Nous avons une loi : et, selon notre loi, il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu (c’est nous qui soulignons).

Marc 14 : 55, 56, 60-64 ~ 55 Les principaux sacrificateurs et tout le sanhédrin cherchaient un témoignage contre Jésus, pour le faire mourir, et ils n’en trouvaient point ; 56 car plusieurs rendaient de faux témoignages contre lui, mais les témoignages ne s’accordaient pas. 60 Alors le souverain sacrificateur, se levant au milieu de l’assemblée, interrogea Jésus, et dit : Ne réponds-tu rien ? Qu’est-ce que ces gens déposent contre toi ? 61 Jésus garda le silence, et ne répondit rien. Le souverain sacrificateur l’interrogea de nouveau, et lui dit : Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? 62 Jésus répondit : Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. 63 Alors le souverain sacrificateur déchira ses vêtements, et dit : Qu’avons-nous encore besoin de témoins ? 64 Vous avez entendu le blasphème. Que vous en semble ? Tous le condamnèrent comme méritant la mort.


[1] Les évangiles apocryphes ont été rejetés par les églises chrétiennes dominantes qui n’ont retenu qu’un certain nombre de textes évangéliques dits « écrits canoniques ». [2] Entendez : le lieu de manifestation du divin. [3] Les séthiens sont une communauté chrétienne aujourd’hui disparue qui fait référence à un des fils d’Adam, Seth, considéré comme un homme juste ayant reçu la révélation de Dieu (Kasser et al., 2006). [4] Historienne, spécialiste du catharisme. [5] Ici encore plus sulfureuse car il est écrit que Jésus était polygame comme les Patriarches de l’Ancien Testament. Il est vrai qu’à ses débuts, l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours promulguait la polygamie. [6] Une idée qui dès lors n’enlèverait rien du caractère divin de la personne de Jésus-Christ. [7] Dans une brochure officielle de cette Eglise, intitulée « La famille Déclaration au monde », il est écrit : « Tous les êtres humains, hommes et femmes, sont créés à l’image de Dieu. Chacun est un fils ou une fille d’esprit aimé de parents célestes, et, à ce titre, chacun a une nature et une destinée divines. » (cette brochure est lisible sur le site officiel de cette Eglise (https://www.lds.org/topics/family-proclamation?lang=fra&old=true). [8] L’œuvre est visible à l’adresse suivante : https://www.latterdayhome.com/products/j-kirk-richards-art-breath-of-life-from-the-dust [9] Disponible à l’adresse suivante : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Michelangelo_-_Creation_of_Adam.jpg

Conclusions :

L’Humanité a été agitée par un débat millénaire : le sexe est-il par nature associé au Mal ou est-il un attribut divin permettant aux Humains de se rapprocher des Dieux ?

L’idéal est-il d’exercer un contrôle le plus constant possible sur notre corps et notre sexe par la Raison ou est-il possible d’établir une relation harmonieuse entre notre corps sexué et notre Esprit ?

C’est la première option qui s’est finalement imposée quasi dans le monde entier.

Incontestablement, cela a entraîné un dynamisme permettant un développement technologique exceptionnel mais le prix à payer a été cher : les hommes et les femmes sont restés pour une très grande partie d’entre eux insatisfaits dans leurs relations sexuelles !…

Rappelons ici le constat dramatique et incroyable au temps de la liberté sexuelle du psychiatre et sexologue Philippe BRENOT :

« Sur dix couples pris au hasard, trois seulement connaissent une sexualité satisfaisante, pour trois autres l’un des partenaires au moins est frustré et enfin trois ne font plus ou quasiment plus l’amour » (cité par Malye, 2002, p. 37). 

Certains diront que le progrès n’a pas de prix ; d’autres soutiendront mordicus que la recherche d’une sexualité saine et idéale ne peut être que vaine et conduire les Humains à encore plus de souffrances…

Pour ceux qui ne sont pas convaincus par ces deux dernières positions, pour ceux qui considèrent que le progrès technique doit être au service du bonheur humain et que ce dernier n’a pas à être sacrifié sur l’autel du numérique, il est peut-être temps d’interroger jusqu’aux fondements mêmes de notre civilisation…

Les recherches actuelles en psychosexologie peuvent en ce sens nous offrir de nouvelles perspectives…

En effet les recherches contemporaines en sexologie démontrent de plus en plus l’intérêt de la méditation en Pleine Conscience (qui intègre le yoga) dans l’amélioration des difficultés sexuelles (Adam, 2015)…

Il semble en tous les cas que le bien-être sexuel découle d’une attitude plus respectueuse envers notre corps et nos émotions et que, comme on le pensait en Orient il n’y a pas encore si longtemps, une possible unité entre le corps et l’esprit n’est pas une utopie…

Cette unité serait liée à une plus grande sérénité face à la vie et à ses difficultés et serait la condition d’un meilleur épanouissement sexuel…

Il serait alors souhaitable que la religion de demain reprenne une vision de l’Humain plus respectueuse du corps et des émotions. Ses mythes devraient alors inciter les êtres humains à développer la conscience de leur corps, ses rites devraient l’aider à mieux gérer leurs émotions et leur état de tension corporel, ses mythes pousseront les êtres humains et en particulier les hommes et les femmes à mieux se comprendre et s’entendre…

L’épanouissement sexuel pourrait alors passer du domaine du « vulgaire » ou du « dégoûtant » (ce que dénonçait Orwell, 1950) vers un idéal respectable appuyé par l’exemple d’un personnage mythique à caractère divin…

Peut-on espérer que la théologie, la philosophie, la psychanalyse, la politique et la psychologie consentiront une ouverture à de telles idées même si elles vont à l’encontre de tout ce qui nous a été enseigné depuis des siècles ?…

Pourrions-nous humblement admettre que nous nous sommes fondamentalement trompés ?…

L’avenir nous l’apprendra…

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[1] Traduction du titre : Dieu a-t’il une épouse ? Archéologie et religion populaire dans l’Ancien Israël.