Les enfants du divorce sont souvent plus en proie à plus de fragilités
A lire la presse, dans son souci de rassurer notre « bonne conscience », on a l’impression que le problème est résolu : Le divorce (ou la séparation) est devenu un phénomène d’une banalité telle qu’il peut se dérouler dans les meilleures conditions. Non seulement, les anciens partenaires, les « ex », s’entendent à garder de bonnes relations les uns avec les autres, mais les enfants des couples séparés paraissent en prendre allègrement leur parti : D’où ces photos de familles « recomposées », le temps d’un weekend ou de vacances, où cohabitent les vraies et les fausses mères, les faux et les vrais pères, pour le plus grand profit des enfants qui y trouvent leur compte.
Bien sûr, nous exagérons un peu, la situation n’est pas toujours aussi idyllique. Mais c’est ce qu’on voudrait nous faire croire, et qui justifie qu’on fasse le point sur la question.
En effet, à écouter ces enfants-là dans nos cabinets, nous percevons tout à fait autre chose. Et cette « autre chose » mérite qu’on en parle, même si elle peut prendre des figures assez différentes.
1°
L’effet du divorce des parents dépend beaucoup de l’âge de l’enfant au moment de la rupture, la plus mauvaise période se situant entre 9 et 12 ans. Auparavant, le petit frère ou la petite sœur se sent assez peu concerné. Quant à l’adolescent, qui s’est évadé vers les filles et les copains, il a d’autres préoccupations ou surtout d’occupations.
Alors, pourquoi cette vulnérabilité particulière des préadolescents ? – d’abord parce qu’il a vécu suffisamment longtemps dans ce cocon familial pour avoir pu penser que cela pouvait « durer toujours » et se sentir déboussolé de perdre cette sécurité qui lui paraissait acquise, – surtout parce qu’il se sent partie prenante dans cette histoire – qui a priori ne le regardait pas. Est-ce qu’il ne pourrait pas, d’une certaine façon, être lui-même responsable de la mésentente survenue entre ses parents, d’autant que ceux-ci lui auront parfois laissé entendre : « Si tu n’avais pas été aussi difficile …Si tu n’avais pas autant fatigué ta mère … Si tu nous avais laissé plus de temps pour nous … »
2°
La solution réputée idéale de la « garde alternée » ne fait souvent qu’aggraver les tensions. Même si le préado paraît se résigner à prendre son sac à dos et à « changer de maison » deux fois par semaine, cela ne veut pas dire qu’il y trouve son compte. La pire situation étant évidemment celle où l’un des protagonistes, voire les deux, profite de l’occasion pour épancher ses griefs contre l’autre. « J’en ai marre, avoue l’une de mes jeunes patientes, qu’on m’impose des débats qui ne sont pas de mon âge »
3°
S’ils n’expriment pas tous leur malaise, celui-ci peut se traduire de façon insidieuse. Le premier cas de figure, peut-être le plus nocif, reste celui du « manipulateur ». L’enfant a vite compris l’avantage qu’il pouvait y avoir à jouer une partie contre l’autre et les bénéfices – notamment matériels – qu’il pouvait en tirer. Dans un deuxième cas de figure, il va se servir des divergences entre ses parents en termes d’éducation ou de mode de vie pour échapper à toute règle. Le plus souvent par référence au plus laxiste, mais pas nécessairement : «Chez mon père, je regarde la télévision jusqu’à n’importe quelle heure » peut se traduire par « Il n’en a rien à faire que je sois fatigué pour l’école »
4°
Enfin-et c’est là que nous sommes consultés, le mal-être peut s’exprimer par de véritables pathologies : Chez la fille, par des troubles du comportement alimentaire qui alterneront des crises de boulimies et des périodes de jeûne. Ce qu’on peut interpréter comme le besoin d’appeler l’attention sur sa santé – qui reste généralement le souci commun aux deux parents. Chez le garçon, par des périodes de turbulence et de désintérêt scolaire qui vont attirer l’attention des éducateurs, et donc encore une fois, des parents.
Alors, quelles conclusions tirer de ce qui pourrait apparaître comme autant de mises en garde ? Certainement pas le conseil de « rester ensemble pour les enfants », comme on le faisait il n’y a pas si longtemps, d’autant que les enfants ont des antennes et que les couples qui se querellent font autant de mal que ceux qui se séparent. Mais une invitation à rester vigilant sur sa propre attitude, même implicite, vis-à-vis de son ex : entendre dénigrer son père ou sa mère peut amener l’enfant soit à l’idéaliser, soit à le rejeter. En tous cas, à fausser le jeu des identifications au moment-même où il en a le plus besoin. Une invitation aussi à rester vigilant sur des manifestations qui pourraient passer inaperçues tant l’enfant peut s’appliquer à ne rien laisser paraître, mais qui pourront laisser des séquelles dans son adolescence et son évolution future …, en se rappelant qu’on peut être le plus mal placé pour « traiter » tout seul un problème dans lequel on est à la fois juge et partie.
Fanny Chatard pour Sexologika
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