Mouvances Familiales

Avec les siècles, le profil culturel des parents s’est modifié, entraînant dans le même temps de nouvelles approches, de nouvelles interrogations et de nouveaux projets d’accompagnements pour les professionnels de santé. L’université, étant elle-même prise dans l’institution d’un mouvement inconscient d’aliénation, a dû modifier et adapter ses enseignements au gré des changements.

Questionnements en mouvement

Parler de la parentalité est assez récent. Pourtant, ce terme incluant les deux parents ne risque-t-il pas de faire l’impasse sur la distinction des positions psychiques maternelles et paternelles ?

On parle désormais de « maternité », de « parentalité », de « monoparentalité », de « coparentalité », d’« homoparentalité », ou de « pluri-parentalité ». Les configurations familiales sont donc nombreuses et même pour les plus aguerris d’entre nous, il y a de quoi se perdre dans ces différents « re-pères » proposés. L’abondance des termes utilisés traduit-elle la complexité des « modes à être » parents ?

Quoi qu’il en soit, devenir parent ne coule pas de source car il s’agit avant tout d’une position psychique subjective souvent chargée d’angoisse. L’un des questionnements que je me suis posé au fil de mes rencontres cliniques et de ma formation universitaire et pour lequel je n’ai toujours pas de réponse précise, est le suivant ; « de quelle manière appréhender les processus psychiques qui mènent (ou pas) les sujets à devenir père ou mère (de cet enfant unique et singulier) ? »

La complexité des situations familiales, l’évolution de la société, le statut du père, les recompositions familiales, les flottements dans les repères éducatifs sont autant de questionnements qui poussent les professionnels du soin et de l’accompagnement à vouloir soutenir la parentalité. On parle alors de prévention, d’éducation à la parentalité, de la nécessité d’accompagner et de soutenir la fonction parentale. Les guidances éducatives sont donc de plus en plus préconisées de nos jours. C’est une indication dont nous ne sommes pas exempts sur nos lieux de travail, et qui reste toujours plus ou moins justifiée. Pour les professionnels en charge de ces missions de guidance, d’éducation ou de prévention, l’imaginaire peut rapidement prendre le relais sur le symbolique.

Répondre au pied de la lettre à cette demande sociétale, c’est aussi prendre le risque de passer à côté de l’essence même d’une position psychique en imaginant qu’il suffirait de rendre « bons » les « mauvais » parents, excluant pour le coup le « suffisamment bon » cher à D. Winnicott qui permet d’introduire une nuance infinie de gris dans les modes à être parents, ce qui signifie qu’il n’existe pas de bonne ou de mauvaise manière d’exercer la parentalité.

Nous savons bien que la maternité n’est pas le reflet de la célèbre publicité de couches bien connue dans laquelle une mère est en totale symbiose avec son enfant repus du lait qui s’écoule en lui.

Nous savons également que la paternité ne se résume pas à l’achat du dernier véhicule familiale, promesse de jours heureux d’une famille nombreuse, parfois recomposée souvent décomposée par ailleurs.

Avec ce schéma normatif d’une famille comblée par les biens de consommations, nous risquons surtout de ne plus entendre la culpabilité des mères en souffrance qui se risquent à évoquer leurs peurs et les doutes qui les animent. Nous risquons alors de nier cette ambivalence maternelle faite d’allers retours entre l’amour et la haine qui se tait par culpabilité mais s’inscrit et se décline singulièrement dans le psychisme.

L’imaginaire prend une place importante dans notre société, l’enfant étant devenu un droit pour tous parents, avec notamment cette possibilité de programmer son arrivée ou pas, il devient le centre de la famille. Nous sommes d’ailleurs régulièrement interpellés dans nos habitudes par la question de l’enfant modèle, l’enfant roi, l’enfant avec ou sans père, l’enfant et sa place dans les familles recomposées. En découle le soucis de (ré)introduire le père, trop souvent absent, au mieux géographiquement, au pire exclu du discours de la mère.

E. Rudinesco* propose d’ailleurs une analyse des changements qui ont pu survenir dans la famille d’un point de vue historique. D’après elle, nous sommes passés de la famille occidentale du 19eme siècle comportant des règles symboliques transmises de générations en générations à des conceptions plus variées de la famille du 21eme siècle. La question du père a d’ailleurs évoluée en même temps que celle de l’autorité et de la loi : père biologique, père légal, père social, etc.

Ce qui fait famille aujourd’hui c’est l’arrivée d’un enfant alors qu’il y a 30 ans, c’était le mariage.

Il y a donc selon elle un visage multiple et décentralisé du pouvoir (familles recomposées, décomposées).  On retrouve alors une certaine culture du narcissisme dans le discours  des parents : il faut que mon enfant s’épanouisse, qu’il réussisse à tous prix et corresponde à la norme. Il y a 30 ans, en consultation, les parents auraient dit : « il faut qu’il obéisse ».

Ces nouvelles attentes des familles à l’égard des enfants témoignent d’un trop plein de jouissance.

La question de la limite et de la loi est d’ailleurs régulièrement interrogée lors de mes rencontres cliniques.

L’enfant amené en consultation est souvent porteur d’un symptôme qui traduit la difficulté inconsciente de ses parents à l’autoriser à devenir sujet de son énoncé, ce qui implique que sa différence soit prise en compte et qu’un certain renoncement à l’enfant idéalisé par les parents s’opère, seule condition pour faire place à l’enfant réel.

*   E.Rudinesco, La famille en désordre, Fayard, 2002

Pour plus de précisions, n’hésitez pas à me consulter, nous prendrons alors le temps d’approfondir votre situation.

Fanny Chatard pour Sexologika